Rares sont les techniciens maliens, avec un sens patriotique élevé et un professionnalisme avéré, ayant porté haut le football malien : Fanyeri Diarra en fait parti.
Seize après son ainé et regretté feu Mamadou Coulibaly[1], Fanyeri Diarra a été le chef d’orchestre de la sélection nationale du Mali des moins de vingt ans, classés troisièmes de la dernière Coupe du Monde de leur catégorie.
Quelques jours de repos, « le citoyen ordinaire » comme il aime se définir, a reprit du service.
Pour la première fois depuis son retour triomphal de la Coupe du Monde, ce technicien de 57 ans s’ouvre à un media. Malifootball est allé à sa rencontre.
Que deviens le coach Fanyeri Diarra, après ce brillant parcours à la tête des Aiglons à la Coupe du Monde ?
Le coach Fanyeri Diarra est le citoyen ordinaire qu’il a toujours été. J’ai repris mes fonctions de Directeur du stade du 26 Mars de Bamako. Je me porte très bien.
Avec le recul, quel regard portez- vous sur les résultats du Mali lors de la Coupe du Monde U20?
C’est un regard de satisfaction et de fierté que je porte sur notre résultat. Et surtout quand on sait que nous avons dignement représenté le continent africain en hissant haut le drapeau Mali. C’est une grosse fierté.
Après feu Mamadou Coulibaly en 1999, vous êtes le 2è entraineur malien médaillé de bronze à une Coupe du Monde U20…
Effectivement et cela me fait plaisir. Je suis heureux de figurer parmi les entraineurs qui ont véhiculé une bonne image du Mali.
Comment s’est construit le parcours du Mali à cette grande messe du football mondial des jeunes ?
Difficilement au départ, compte tenu de beaucoup de facteurs. Mais il fallait avoir la tête sur les épaules, faire face aux problèmes, impliquer le groupe dans la recherche de solutions fiables et asseoir un état d’esprit sans faille.
Après le premier match contre le Mexique, le Mali a chuté contre la Serbie, comment avez fais pour remobiliser les jeunes?
Ils n’étaient pas abattus, mais il fallait se remettre de cette gifle et dire que la mission continue parce que l’objectif était de passer le 1er tour (phase de poule) à ce moment précis.
A quel moment de la compétition, vous vous êtes dis « ça y est, nous pourrions aller loin » ?
Depuis le dernier match de la poule contre l’Uruguay, nous avons dit que nous allons gérer match par match ; finit les calculs ! Pour jouer la rencontre suivante il fallait gagner celle en cours et on avait les ressources nécessaires pour le faire.
Depuis 1999, le Mali n’avait jamais atteint un tel niveau à cette compétition, quelles explications pourriez vous donnez à la réussite de cette année?
Sans être prétentieux, je dirais que la réussite cette année est due d’abord à:
- la valeur intrinsèque des éléments qui composaient l’équipe;
- l’état d’esprit du groupe;
- l’adhésion du collectif au projet porteur de réécrire notre propre histoire.
Certains attribuent la réussite malienne à la qualité de la formation au Mali, qu’en dites-vous ?
Après les résultats acquis par nos devanciers, il y a eu un engouement pour le football de jeunes, ce qui a occasionné une prolifération de centres de formation à travers le pays. Nous réitérions un appel pressant aux instances chargées de la gestion des centres afin d’avoir une vue sur la qualité de la formation et aussi la formation des formateurs.
Mais la particularité cette année est que six membres de l’équipe étaient issus du centre de Jean Marc Guillou [2]une référence dans le monde !
Votre brillant parcours est presqu’un miracle compte tenu de certains difficultés que vous avez connu, dont le retard dans la préparation…
C’est vrai que ce parcours n’était pas évident au départ vu le déroulement sinon la tournure pris par les événements.
Un programme devait débuter le 28 Avril 2015 avec quatre matchs de préparation. Mais finalement c’est le 10 Mai 2015 que nous sommes arrivées en France avec huit joueurs; deux jours après quatre sont arrivés et le même jour nous jouons notre 1er match de préparation que nous avons perdu (2-1). Donc chaque deux ou trois jours, il y avait un ou deux joueurs qui nous rejoignaient au stage.
Difficile de dire alors que nous avons fait une très bonne préparation. Dans l’effectif, trois joueurs n’ont pas pris part à la préparation, deux pour un problème de calendrier et un pour un problème administratif qui nous a finalement rejoint en Nouvelle-Zélande.
Les difficultés ont continué au cours de la compétition, on a beaucoup parlé de problème de primes, de shorts et bas …certains joueurs avaient même fait des déclarations sur une radio à Bamako: qu’en est-il exactement ?
Je pense que les uns et les autres sont allés trop vite en besogne avec des informations ou des déclarations non fondées. Ce que j’attribuerais à un manque de professionnalisme. Une information est d’abord vérifiée, traitée avant d’être mis sur la place publique. Si on m’avait demandé j’allais apporter des éclaircissements.
Les difficultés que vous énumérer sont mineures, les primes étaient attendues à Bamako, mais on leur avait promis les primes de sélection en Nouvelle-Zélande. Le tout leur a été remis au retour de la Coupe du Monde.
Les équipements sont arrivés en retard et les numéros des shorts jaunes n’étaient pas conformes aux normes FIFA. Nous n’avons pas pu trouver la solution à Toulouse[3] et Moussa Kanoute [4] était obligé de ramener le restant des shorts à Paris pour les floquer; vu le temps imparti, il était risqué de laisser les équipements parce que le trajet était long et le départ c’était le lendemain.
Le problème qui s’était posé est le suivant: le Mali avait deux couleurs (le jaune et le blanc) et les sept matchs ont été joués avec le jaune, ce qui fait qu’après le 3ème match on lavait les culottes et le service était assuré par le comité d’organisation.
Malgré tout cela, vous avez pu canaliser l’équipe, étiez-vous vraiment soutenu par votre employeur principal pendant tout votre parcours ?
Des efforts ont été faits de part et d’autre mais que j’ai trouvé cela insuffisant parce que je n’ai pas vu l’implication plus collégiale du bureau fédéral autour de l’équipe. Il a encore brillé par son absence lors de la cérémonie de remise de chèques[5].
Attendez-vous au sacre d’Adama Traoré comme meilleur joueur du tournoi?
Je n’ai pas été surpris car je n’ai jamais ignoré l’étendue de son talent. Le regret que j’ai d’ailleurs c’est son absence à Dakar lors de la CAN U20[6].
Certains joueurs ont fait preuve de leadership comme le portier Djigui Diarra, le capitaine Ichaka même s’il s’est blessé par la suite, Adama Traoré, Dieudonne, Falaye…
Disons plutôt que c’est plutôt l’état d’esprit du collectif qui a prévalu. Les différentes qualités individuelles ont été mises de façon efficace au service du collectif: c’est ce qu’il faut retenir.
Existe-il au Mali un cadre permettant de pérenniser ce type de résultat?
Bien sur, il y a une commission centrale des jeunes. Maintenant, il faut une implication totale et sans faille du bureau fédéral et le suivi par la direction technique nationale.
Certains de vos joueurs disent que vous avez été comme un père pour eux, parlez nous des vos relations?
De part ma formation, je me considère pas seulement comme entraîneur mais aussi comme éducateur.
Nous assurons une partie de leur éducation en les inculquant un état d’esprit pour adhérer à un projet commun. Nos relations sont cordiales, autant je les respecte en retour c’est pareil. Ceux qui ne veulent pas m’aborder pour un problème, passent par mes adjoints qui rendent après et ensemble nous résolvons le problème.
Depuis votre prise de fonction, avez vous été mis dans tout vos droits?
Oui, mais une année après ma prise de fonction.
Quant est-il des différentes promesses faites à l’équipe à votre retour de la Coupe du Monde?
Elles ont été tenues. Le 08/07/2015 dernier, une cérémonie de remise de nos chèques a été effectuée, même si j’ai une frustration pour le médecin et le kiné. Ils méritaient mieux !
Vous êtes resté un entraîneur imperturbable, même si vous avez eu beaucoup de mal à exercer votre fonction dans les conditions idoines, d’où puissiez vous votre force de caractère?
Ma force, elle est naturelle. Kesse[7] disait je cite : « L’entraîneur médiocre parle, le bon explique, le meilleur inspire… »
Que restent-ils de vos rapports avec le président de la fédération malienne de football ?
Ils sont purement professionnels
S’il y a un seul instant à retenir lors de ce parcourt du Mali à la Coupe du Monde ça sera lequel ?
La victoire contre l’Allemagne, c’était un grand moment.
Quels regards portez-vous sur le football africain en général?
Les récents résultats sont encourageants et porteurs d’espoir. L’Afrique a montrée qu’elle a sa place dans le gotha du football mondial.
Pierre de COUBERTIN disait: « L’important dans la vie, ce n’est point le triomphe, mais le combat. L’essentiel n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être bien battu ».
Si vous avez des personnes à remercier, ça sera lesquelles?
Ils sont beaucoup.
Je commencerais par le personnel de Castelmaurou, la communauté malienne de Toulouse, les jeunes maliens de Paris qui nous ont évités de passer une nuit blanche à l’aéroport la veille de notre départ sur la Nouvelle-Zélande.
Mes remerciements vont également au consul honoraire de la république du Mali à Toulouse Karim RAHHAOUI qui a été à la hauteur de la tâche.
Je n’oublie pas l’heureux président de la commission centrale des jeunes ABETA AG SEYDOU qu’il trouve ici mes remerciements sincères.
MAHAMET, je ne te remercie pas parce que tu n’a fait que ton boulot :je te souhaite beaucoup de courage et surtout bon vent!
Propos recueillis par Mahamet Traoré