Kadidia, le bien Malien

(Par Jean-Christophe Pasqua, http://www.dna.fr ) Dimanche, sur sa pelouse du Waldeck, le FC Vendenheim reçoit l’AS Saint-Étienne, un des “grands” du championnat, et Kadidia Diawara, qui joue en défense centrale, sortira les crocs. Portrait au pas de charge.

(Photo-DNA-Jean-Christophe-Dorn)

Quand on la prive de ballon, Kadidia Diawara n’est plus vraiment la même. « Je deviens insupportable, sourit la jeune femme. Je m’emporte à la moindre contrariété. Récemment, j’ai été blessée trois semaines et ne pas jouer au foot a été difficile. »

 

Le foot, elle l’a naturellement croisé au Mali. Dans les pas d’une copine, dans ceux d’Aboulaye aussi, son père, qui était président du club qu’elle fréquentera longtemps : le FC Amazones Boulkassoumbougou, dans un quartier de Bamako.

« J’avais demandé l’autorisation à mes parents de taper dans le ballon. Au Mali, les filles jouaient plutôt au basket, mais ils m’ont dit oui et m’ont soutenue. »

«Tu oublies beaucoup de choses, comme le racisme, quand tu fréquentes des gens comme ça»

Abdoulaye et Nana Fofana (la maman) ont toujours respecté le choix de Kadidia, plus fille têtue que garçon manqué.

Elle gagnera des titres nationaux, participera même à deux Coupes d’Afrique des Nations avec la sélection malienne (en Afrique du Sud puis au Nigéria) alors qu’elle n’est qu’une gamine.

Et puis, pour poursuivre ses études, elle rêve de venir en Europe, en France particulièrement. « Tous les Africains en rêvent et, en même temps, tu as peur d’affronter le regard des gens avec tout ce que tu entends. Tu crains simplement le racisme. »

Elle viendra une première fois à Strasbourg lors de l’été 2006 passer des vacances chez une de ses cousines.

« Comme le foot me manquait et que je m’ennuyais un petit peu, un de ses copains a vu que Vendenheim avait une section féminine. J’y suis allée et j’ai été très bien accueillie. Jennifer Meyer, qui est ma coéquipière aujourd’hui, me servait alors de taxi. Elle me cherchait à la maison, m’y ramenait. Pourtant, elle me connaissait à peine… »

Dans un sourire, elle affirme qu’elle lui rendra la pareille quand elle obtiendra son permis.

« J’étais rentrée au Mali, mais je m’étais promis de signer dans ce club si je revenais un jour étudier en Alsace. »

Un peu plus de deux ans plus tard, elle y remet donc les pieds. Après un DUT Finance et Comptabilité obtenu au Mali, elle s’inscrit en STAPS à Strasbourg.

« Je n’ai pas été déçue quand je suis revenue au Waldeck. Depuis ce temps, Christian Muhl et Jocelyne Kuntz, deux dirigeants du club, m’hébergent, me nourrissent, m’aident dans tous les moments difficiles. Ma famille me manque souvent, raconte Kadidia Diawara avant de sourire. Sans eux, je serais déjà reparti, mais ils sont devenus mes parents blancs. Et tu oublies beaucoup de choses, comme le racisme, quand tu fréquentes des gens comme ça. Ils effacent toutes les tristesses. »

Aujourd’hui redevenue étudiante en comptabilité, elle ne… compte pas ses heures.

« J’ai école de 8 h à 17 h, puis, trois ou quatre fois par semaine, je vais au FC Vendenheim m’entraîner. Après ? Je vais parfois travailler au Quick jusqu’à 1 h du matin. Et, le samedi, j’y vais souvent de 7 à 13 h. Il faut bien financer mes études, le foot ne le permet pas. »

Elle dit ça, comme d’habitude, avec ce sourire qui a du mal à quitter les traits de son visage.

« Le foot est juste une passion dans ma vie, je ne le pratique pas pour l’argent. Quand mes études seront terminées, je rentrerai au Mali et j’aimerais aider à développer sa pratique. »

Elle dit qu’elle a eu beau essayer d’autres sports en STAPS, de voir même ce qu’elle valait en natation – « Je nage comme une grenouille et j’ai inventé la brasse crawlée » –, il n’y a que les chaussures à crampons qu’elle aime porter avec un mélange d’élégance et d’assurance.

«Une douche glacée le matin du match et de la musique qui bouge dans les oreilles»

Ce dimanche, elle et… son caractère voudront montrer face à Saint-Etienne que le FC Vendenheim a sa place au plus haut échelon national.

« Je déteste la défaite, je suis hargneuse, guerrière même, souffle-t-elle bruyamment. Nous sommes promues à ce niveau, il faut nous faire respecter, montrer aux autres que nous y avons notre place et que venir gagner sur notre terrain n’est pas facile. »

Et pour se préparer au mieux, elle a ses petits secrets. « Une douche glacée le matin du match et de la musique à fond dans les oreilles juste avant, dans le vestiaire. »

Après ça, une fois sur la pelouse, Kadidia Diawara n’aura plus envie de vous faire un sourire…

Jean-Christophe Pasqua

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