Cheick Oumar Koné, entraîneur de l’ASFA-Y : Un adieu dans la douleur et le regret

( Interview réalisée par Béranger ILBOUDO et Jérémie NION/ http://www.lefaso.net du 08.09.10) Le divorce est consommé entre l’ASFA-Y et son coach, le Malien Cheick Omar Koné. L’idylle n’a duré que deux ans avec à la clé, deux titres de champion, une coupe nationale. Bon bilan non ? Alors pourquoi, s’est-on séparé ? In extrémis, nous avons pu arracher une interview à l’entraîneur Koné à quelques heures de son vol retour. Un homme aigre.

 

Quel regard jetez-vous sur vos deux saisons passées à l’ASFA-Y ?

J’ai passé deux merveilleuses saisons à l’ASFA-Y, que ce soit sur le plan sportif ou sur le plan humain. Bien que mes relations avec ce club se soient terminées en queue de poisson.

Vous autres journalistes, vous êtes mieux indiqués pour dresser mon bilan. Je puis dire que je suis un technicien comblé.

J’ai vécu une belle expérience. Je suis arrivé à enrichir mon C.V. Je suis le deuxième entraîneur malien à sortir hors de nos frontières après feu Mamadou Keita, que son âme repose en paix, et à réussir son challenge. En deux saisons, j’ai fait deux défaites cette année, une en coupe du Faso et une autre en championnat, pour plus de 60 matchs. C’est positif.

Pourquoi après un tel fabuleux parcours vous décidez de partir ?

L’homme propose et Dieu dispose. Je vous le dis, mon avenir et mon devenir ne m’appartiennent pas. Tout est dans les mains de Dieu. Je suis un croyant. Mon contrat avec l’ASFA-Y finit le 31 août. A partir de cette date, je ne suis plus entraîneur de ce club. Ce n’est pas à moi d’aller vers eux mais c’est à eux de venir vers moi. Après analyse de mon bilan, il leur appartient de décider de me reconduire ou pas.

Mais le 31 août, cette date butoir c’est aujourd’hui ?

Le 31 c’est bien aujourd’hui (ndlr : interview réalisée le 31 août 2010) et Cheick Oumar Koné va demain matin à 6h00 à Bamako. Jusqu’à présent je n’ai pas été contacté donc cela implique que mon contrat ne sera pas reconduit.

Si vous n’êtes pas reconduit alors que votre bilan plaide en votre faveur c’est que quelque chose d’autre ne va pas ?

Je pense qu’il sera plus approprié de poser cette question aux dirigeants. C’est eux mes employeurs. Moi je n’en sais rien. Personnellement on ne m’a pas saisi pour me reprocher quoi que ce soit. Donc si je vous dis « voici ce qu’on m’a fait ou ce que j’ai fait », je risque de verser dans le mensonge. Pour le moment, rien ne m’a été dit officiellement. Une chose est sûre et certaine, mon contrat ne sera pas renouvelé.

En effet, si jusqu’aujourd’hui un entraîneur n’a pas vu son contrat renouvelé, c’est qu’on ne le renouvellera pas. Je l’avoue, je déplore l’attitude des dirigeants, surtout du comité central. Depuis la fermeture de la saison, aucun dirigeant ne m’a appelé pour me dire « merci pour tout ce que tu as fait pour le club mais nous te reprochons ceci ou cela et c’est pour cela que nous ne voulons plus te reconduire ». Rien. Pas de coup de fil. Rien. Je n’ai vu personne. Donc pour moi, mon contrat est fini et je rentre heureux. Je rentre surtout la tête haute.

Mais avec certainement quelque chose sur le cœur ?

Oui. J’ai un petit regret. Il y a un petit pincement parce que le travail entamé n’est pas fini. J’aurais aimé poursuivre avec cette équipe et terminer le travail entamé. Mais je le répète encore, l’homme propose et Dieu dispose.

Le regret ou le petit pincement que j’ai, c’est qu’on n’a pas été reconnaissant à mon égard. La moindre des choses était de m’appeler même si c’est pour me dire « merde on ne veut plus de toi ». Mais on ne m’a rien dit et on m’a laissé dans l’inconnue et dans l’anonymat. Je repars donc dans l’inconnue et dans l’anonymat.

A vous entendre, la structure dirigeante du club est tout de même divisée sur votre compte. C’est surtout le Comité central qui ne veut plus de vous ?

Je ne peux pas dire officiellement qu’il y a deux camps. S’il y en a, ce serait peut-être à eux de le dire. Officieusement, on m’a raconté des choses mais officiellement pas. Si vous voulez faire des reproches à quelqu’un, vous l’appelez et vous l’écoutez. Mais rien de tout cela n’a été fait. Etonnant non ? Je n’ai tout de même pas tué quelqu’un à l’ASFA-Y ! En tout cas, je quitte le club, mais je reste de cœur avec l’ASFA-Y.

Je me suis juré, je n’entraînerais plus une équipe au Burkina à part l’ASFA-Y ou une sélection nationale. Les relations humaines que j’ai eues avec les dirigeants et les supporters de ce club sont si solides que je n’ai pas la capacité d’aller travailler avec une autre famille sportive.

Voulez-vous insinuer que des clubs burkinabè voulaient vous enrôler ?

J’ai eu des contacts très avancés ici au Burkina. Mais j’ai dit non parce que je veux rester fidèle à l’ASFA-Y. Entre cette équipe et moi, ce n’est plus une question d’entraîneur mais une question d’amour.

Officieusement que vous reproche-t-on à l’ASFA-Y ?

Si officiellement, on m’avait fait des reproches, je pouvais m’y aventurer. Je ne veux pas relayer des rumeurs. Je me garde de chercher des poux dans le corps du singe. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait en mon âme et conscience. Officieusement, j’ai appris beaucoup de choses mais j’ai dépassé ce stade. Tout ce que je sais, c’est qu’on m’a donné mon billet et je rentre.

Vous aviez laissé entendre auparavant que vous avez entamé un travail que vous n’avez pas terminé. N’était-il pas judicieux d’approcher le comité central pour entamer des démarches afin de reconduire votre contrat pour vous permettre d’achever votre œuvre ?

Pour un entraîneur qui se respecte, l’initiative de cette démarche ne lui revient pas. Je ne suis pas cet entraîneur-là qui court vers les dirigeants. C’est à eux de me courtiser vu mes prestations et non l’inverse. S’ils trouvent que je n’ai pas fait une bonne prestation, ils ne me courtiseront pas. Mais je n’irai jamais vers un dirigeant pour vendre mes prestations.

Est-ce vous qui aviez effectué le recrutement afin que votre équipe soit forte et solide à ce point ou bien, les dirigeants se sont immiscés dans ce secteur ?

Quand je suis arrivé, j’avais déjà trouvé un noyau en place et en fonction de cela, j’avais déjà commencé à travailler avec ce noyau. Après, les Mandela et autres sont venus. J’ai dit en son temps, on ne prendra pas un joueur à l’ASFA-Y tant que je ne lui fais pas un test. Et s’il n’y a pas de test, il n’y a pas de recrutement. Jusqu’à ce que mon contrat s’achève, tout joueur qui est arrivé à l’ASFA-Y, je lui faisais un test et je donnais mon point de vue.

Et mon point de vue était pris en compte car si j’ai besoin d’un joueur, j’exprime mon besoin et si je n’en ai pas besoin, c’est comme cela. L’année dernière à la fin de la saison, j’avais exprimé des besoins sur certains joueurs mais malheureusement, on n’a pas pu les avoir. Mais certains quand même sont venus. C’est pour vous dire donc que c’est moi qui ai fait les recrutements parce qu’ils amènent le joueur et moi je fais le test. S’il n’y a pas de test, je ne le prends pas.

Quels rapports entretenez-vous avec vos proches collaborateurs qui sont vos adjoints ?

Je n’aime pas les hypocrites. Je n’aime pas les gens qui me plantent le couteau dans le dos. Je suis un homme impulsif, un homme direct. Si on me fait quelque chose, je vous le dis en face que vous le vouliez oui ou non. La vérité est amère à avaler mais on finira toujours par l’admettre. J’ai une relation de franchise avec eux.

Celui qui me fait quelque chose, si cela ne me plait pas, je le dis ouvertement et si je dois prendre une sanction contre toi je n’hésiterai pas car je suis le seul à être jugé au résultat. On doit faire ce que je dis. Ce n’est pas une question de dictature mais une question de principe. Je préfère me tromper avec mes propres idées que de me tromper avec les idées d’autrui.

Vous aviez été entouré par des anciens joueurs du club. Vous ont-ils aidé à mener à bien votre tâche ?

J’ai été entouré par Gabriel Gnimassou, Assimy Zerbo et Simporé des anciens du club. Sylla, c’est moi qui l’ai fait venir du Mali.Bien qu’il y ait eu quelques bévues et quelques quiproquos entre nous, il y a eu une relation de franchise entre nous. J’ai eu à affronter pas mal de trucs, ce n’est pas ma première année d’entraîner un club. Je fais ce métier depuis 1984. Pour donc vous dire qu’on n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace.

N’est-ce pas cette trop grande franchise qui vous coûte votre contrat aujourd’hui ?

Je ne sais pas, c’est aux dirigeants de me le dire. Mais ce que je tiens à dire, dans tout travail que nous faisons, il faut être franc envers les autres. Tant qu’il n’y a pas de franchise dans le travail, ça ne peut pas aller. Il y a un adage de chez nous qui dit que quand deux femmes pilent le mil et que l’autre ne veut pas que sa partenaire voie ses aisselles, l’échec est garanti. Si je suis clair et eux ils ne le sont pas, il est difficile que la collaboration réussisse. Je suis un entraîneur expérimenté, j’ai les épaules assez larges pour tout supporter. Mais ce qui m’a un peu dérangé, c’est cette phrase du président du comité central lors d’une de nos réunions : “cet entraîneur, il se prend pour qui ?

Il pense qu’il est le meilleur entraîneur du Burkina alors qu’il n’est rien. Il descend dans les vestiaires de l’USFA contre la Côte d’Ivoire et va donner des conseils”. J’étais étonné qu’on me dise : « cet entraîneur ». Mais je lui ai répondu qu’au Mali, c’est ce qu’on fait. Quand une équipe joue contre une formation étrangère, tout le monde est autour d’elle pour l’aider. Pour moi, un homme n’a pas de patrie. Là où tu gagnes ton pain, c’est là-bas ta patrie.

Donc, je me suis considéré comme un Burkinabè et c’est pour cela je suis descendu pour apporter ma contribution. Ce jour-là, avant de descendre, j’ai demandé la permission au même président du comité central Armand Béouindé qui m’a autorisé. Mais après il a tourné encore la veste, c’est triste ! Béouindé est un bon président mais c’est son entourage qui est mauvais . Il doit prendre souvent le soin de vérifier ce qu’on lui rapporte.

Mais outre Béouindé il y a le PCA Antoine Zoungrana qui coiffe tout ? Qu’en pense-t-il ?

Monsieur Zoungrana est quelqu’un de respectable et une personne qu’il faut respecter car il se respecte. Il coiffe tout c’est vrai mais il suit le règlement. Il peut décider mais à quoi ça va servir de semer la division dans l’équipe ? C’est pour cela qu’il a opté pour la voie de la sagesse.

Vous aviez dit que l’ASFA-Y est votre famille. Pourquoi ne pas rester laver le linge sale en famille avant de partir ?

Non, mon contrat est fini, je n’ai pas le droit de rester, je rentre. Qu’est-ce que je vais éclaircir ? Je peux me défendre si on me charge. Mais là rien ! Pourquoi rester ? Je n’ai pas eu mes diplômes pour une seule équipe, je peux aller là où je veux. Si je veux rester et que eux ils ne le veulent pas, je m’en vais.

Mais je ne vais pas rester pour éclaircir des choses dont je suis censé ne pas être au courant. Rien ne va quitter le fleuve pour étonner le caïman. Un temple peut se briser, on va le reconstruire. Une mosquée peut s’effondrer, on va la rebâtir, mais on ne peut pas racoler un cœur brisé.

Mais à qui en voulez-vous particulièrement dans cette affaire ?

Je n’en veux à personne. Si je suis venu à l’ASFA-Y, c’est par amitié pour Antoine Zoungrana. Je ne peux en vouloir qu’à moi-même. Tout ce qui nous arrive est fonction de ce que nous sommes. Je remets mon destin entre les mains de Dieu. Mais laissons le temps faire et le temps donnera raison à qui de droit.

Je tiens à remercier le monde sportif burkinabè car il m’a adopté. Que ce soit au niveau de la presse parlée, écrite ou audio-visuelle, la Fédération, la ligue, les supporters, toutes les composantes du football burkinabè, je me suis senti en parfaite harmonie avec elles. Je rends un vibrant hommage aux supporters de l’ASFA-Y car le club ne sera pas ce qu’il est tant que les supporters ne le voudront pas. Si en deux ans, nous avons réussi ce parcours, c’est dû d’abord aux joueurs et après eux, ce sont les supporters.

Je dis merci à ces jeunes joueurs qui ont accepté adhérer à mes méthodes de travail et je dis aussi merci à ces supporters qui m’ont adopté. Je reste et demeurerai ASFA-Y à 100%. Je souhaite que ce que je n’ai pas pu réussir à l’ASFA-Y, un autre le fasse. Les dirigeants, je les remercie tous pour tout ce qu’ils ont fait pour moi que ce soit en bien ou en mal. J’en ai tiré de quelque chose.

Interview réalisée par Béranger ILBOUDO et Jérémie NION

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